Chronique d’Expertise Criminelle: le Faux
Par Siméon WACHOU, Initiateur et Cofondateur, Cameroon Bureau of Investigation (CBI), Expert Assermenté de Justice, Criminalistique, Intelligence Économique & Droits de l’Homme.
Qu’est ce que le FAUX ? Pour une Justice plus conquérante au Cameroun!
Il serait peut être osé de dire que certains justiciables rusés parviennent parfois à se jouer de la machine judiciaire en gagnant des procès après avoir pourtant usé de faux documents ! Vigilance maximale! L’administration elle même se fait souvent avoir par des faussaires! Les entreprises et les particuliers ne sont pas en reste!
L’étude du faux occupe une place très importante dans les Sciences Légales et met en œuvre, à côté d’analyses chimiques classiques, des techniques particulières qui concourent ici à confirmer ou infirmer l’authenticité de la pièce en litige.
Notre chronique abordera sommairement le traitement des documents de toutes sortes (manuscrits, dactylographiés ou imprimés) simplement altérés ou entièrement forgés ; une place spéciale doit cependant être réservée à la fausse monnaie, ne serait ce qu’en raison de ses implications économiques.
Il y a donc faux et faux, depuis la simple falsification jusqu’à la contrefaçon.
Pour l’Expert Criminel de Justice, la falsification est l’altération d’une pièce authentique dans le but de tromper, alors que la contrefaçon est une imitation frauduleuse de la pièce authentique, toujours bien entendu dans le but de tromper, l’une n’étant que partielle, l’autre totale.
LES FAUX DOCUMENTS
Un document est un renseignement écrit servant le plus souvent de preuve ou de titre. Dans le domaine des Sciences Légales, les documents soumis à expertise sont de natures variées et se présentent parfois sous des formes assez inattendues car ils ne sont pas seulement la preuve d’un droit ou d’une identité mais aussi de nature économique, sociale ou politique.
LES DIFFÉRENTES SORTES DE DOCUMENTS.
On peut distinguer les documents sur la base de leur mode de confection ou de leur nature.
Le mode de confection, qu’est ce que c’est dans le cadre d’une expertise criminelle??
Les documents soumis à expertise sont écrits, manuellement ou dactylo graphiquement , imprimés ou reprographiés , ces opérations pouvant se combiner sur la même pièce.
LES DOCUMENTS MANUSCRITS
Ils existent à l’état original et de copies en nombre restreint, obtenues par l’interposition de carbones. Leur rédaction nécessite l’emploi, outre du support, d’instruments scripteurs tels que crayons, porte-plume, stylographes à plume, à bille ou à pointe de fibre. Dans les stylographes, l’encre s’écoule par capillarité ou par gravité sur, ou à travers, une plume, une bille en métal chromé ou une pointe et fibres dures.
LES DOCUMENTS DACTYLOGRAPHIÉS
Ils font appel pour leur rédaction à une machine à écrire qui peut être du type courant (à corbeille) ou plus moderne ( à sphère d’écriture ou à marguerite).
LA REPRODUCTION DES DOCUMENTS
Elle permet d’obtenir un très grand nombre de copies à partir d’un unique original ; elle fait appel à l’imprimerie et à la reprographie. L’imprimerie regroupe le procédé typographique, l’héliogravure et, surtout l’offset.
La reproduction en fac-similé est une copie aussi parfaite que possible de l’original (tableau, dessin , texte, etc..); cette reproduction quoique généralement satisfaisante sur le plan artistique , n’est jamais totalement identique à l’original car les procédés modernes d’impression sont limités par trois facteurs essentiels liés à la finesse de reproduction des détails, le rendu des couleurs et des tonalités qui doivent traduire la luminosité de l’original.
LA NATURE ET LES QUALITES INTRINSEQUES DES DOCUMENTS.
Il y a lieu de distinguer dans cette brève chronique d’expertise criminelle, les documents selon leur nature ; on peut ainsi séparer les documents : courants ( lettres , testaments, reçus etc..) , d’identité et de légitimation , ou fiduciaires ( titres et monnaies ), ces deux dernières sortes étant réunies dans le groupe des documents dits de sécurité ( ou protégés).
Les documents de sécurité
Lorsqu’ils sont authentiques, ces documents doivent :
* posséder les particularités qui leur sont spécifiques (support, impression, sécurités etc..).
* revêtir les différentes marques de garantie qui leur sont habituellement attribuées (empreintes des timbres secs ou humides, signatures etc..).
Tout document de sécurité porte aussi un numéro qui en fait une pièce unique et ce numéro, reporté sur des registres ou des fichiers, permet de procéder à des contrôles ou à des vérifications chaque fois que c’est nécessaire. Ces contrôles au Cameroun devraient systématiquement être effectués par appareils électromagnétiques disposant de lecteurs magnétiques, comme c’est le cas aux guichets des banques ou des aéroports.
Le terme de sécurité signifie que la fabrication du document a fait appel à des techniques particulières portant sur le papier et/ou l’impression mais aussi que des éléments accessoires particuliers ont été utilisés lors de son attribution.
FALSIFICATIONS ET FAUX
Le fraudeur qui désire falsifier le contenu d’un document authentique a le choix entre diverses techniques que l’Expert Criminel de Justice classe en 03 catégories:
– les soustractions
– les additions
– les substitutions
* Les Soustractions: elles font appel à 03 sortes de procédés :
– le gommage (superficiel ou profond)
– le grattage avec un instrument tranchant
– le lavage avec différentes solutions, organiques ou minérales.
Pour l’Expert Criminel de Justice, ces altérations sont facilement détectables du fait de l’atteinte irréversible du papier : le gommage et le grattage en diminuent l’épaisseur, ce qui a pour effet d’augmenter la transparence à l’endroit de la fraude.
De même, les fibres superficielles du papier sont, à cet endroit redressés, aussi, un simple traitement avec une poudre colorée et très finement pulvérulente, suffit pour mettre l’altération en évidence.
Les traces de lavage sont recherchées sous les radiations ultraviolettes (à 315 manomètres), elles se différencient alors très nettement, par leur teinte, du reste du papier. Cet examen permet souvent de mettre en évidence, les vestiges du premier tracé dont le tréfonds des sillons contient quelques parcelles d’encrage.
Lorsque le texte (ou la mention) soustrait est à peine visible à l’œil nu (mais illisible) , il est possible de la faire apparaître grâce à un procédé photographique : en augmentant progressivement le contraste lors de tirages successifs , la mention initiale finit par devenir lisible.
A titre de mise au point , il est bon de préciser pour la gouverne de l’opinion qu’un faux titre foncier ne saurait faire l’objet d’annulation , on ne saurait en droit annuler ce qui est faux , ce serait se risquer de consacrer l’existence même de ce qui ne mérite pas de l’être! Maintenant, le moment de la détection du faux dans un document est crucial, car si le juge reçoit une pièce qui a même été légalisée à partir d’un faux document, comment peut il aussi rapidement se rendre compte de la supercherie? Il ne suffit qu’il demande la présentation de l’original du document, car cet original peut être un faux document, comment le reconnaîtra t-il s’il ne fait pas recours aux techniciens de la criminalistique ?? C’est aussi à ce chantier que les Experts Criminels entendent s’attaquer pour prévenir des erreurs judiciaires et les pertes financières pour l’État du Cameroun.
Il a été souvent constaté que dans les procès civil, commercial, administratif, pénal, social… il arrive que certaines parties au procès brandissent et produisent de faux documents à la place des documents officiels pour étayer leur thèse et gagnent parfois des procès alors que figurent au dossier de procédure se trouvant entre les mains de la justice de faux documents ! Est il aisé à vue d’œil pour le Juge ou le Ministère Public de distinguer un faux titre foncier d’un vrai ??
Il y a une pléthore de documents officiels et privés qui sont censés être produits dans le cadre des procès par les parties pour étayer leur thèse ! Comment reconnaître que tel document est vrai et que tel autre est faux? C’est compte tenu de cet état de choses que la Chambre Nationale des Experts Criminels du Cameroun dans sa section criminalistique administre pour la justice, les administrations, les ambassades etc… La preuve scientifique de l’authenticité ou non d’un document! Les falsifications de pièces et documents officiels sont légions et échappent parfois à la vigilance de la justice.
Toute condamnation à une peine privative de liberté ou d’amendes d’un prévenu ou accusé sur la base de documents dont l’authenticité ou le caractère officiel n’ont point été établis au cours d’un procès et lesquels ont été produits comme de vrais documents par le ministère public et la défense au soutien de leur thèse est une erreur judiciaire qui trouve explication dans l’abstention du tribunal, du ministère public, de la défense ou de la partie civile de vérifier l’authenticité ou le caractère officiel du document!