Me Christian Bomo Ntimbane, avocat au barreau de Paris:« Les enquêtes actuelles sous le contrôle du commissaire du gouvernement sont régulières ».
Réagissant aux débats sur la régularité des procédures ouvertes au tribunal militaire à la suite de l’assassinat du journaliste Martinez Zogo, le juriste apporte des éclairages au public camerounais et assoiffé de justice.
Les débats procéduraux sur la régularité de procédure ouverte à la suite de l’assassinat du journaliste Martinez ZOGO sont désormais sans objet, en répondant aux questions suivantes :
1- LE PRESIDENT DE LA RÉPUBLIQUE AVAIT- IL COMPÉTENCE POUR DEMANDER À LA GENDARMERIE ET À LA POLICE DE MENER LES ENQUÊTES À LA SUITE DE L’ASSASSINAT DE MARTINEZ ZOGO ?
Il faut d’abord constater que le président de la République, n’a jamais, sur le plan juridique mis en place une commission d’enquête dans l’affaire Martinez ZOGO.
Auquel cas, il aurait pris un acte réglementaire portant création d’une commission d’enquête.
Suivant les différents communiqués du Secrétariat général à la présidence de la République, il est tout simplement mentionné qu’il a instruit une enquête conjointe gendarmerie – police pour mener les enquêtes.
A t- il le droit d’instruire la gendarmerie et la police à travers le Secrétaire d’État à la gendarmerie et le Délégué Général à la sûreté ? Oui.
Mais uniquement en sa qualité de détenteur sur le plan national, des pouvoirs de police administrative.
En effet, Le président de la République, le premier ministre, ou les ministres peuvent exercer des pouvoirs de police administrative sur toute l’étendue du territoire. Contrairement aux autorités administratives qui agissent uniquement dans leur ressort de commandement.
Le président de la République peut dès lors instruire valablement les membres du gouvernement, les autorités administratives de signaler ou de saisir officiers de police judiciaire de leur ressort l’existence ou la commission des infractions à caractère pénal ayant des incidences sur l’ordre public.
C’est le cas d’un préfet ou d’un sous- préfet qui est en droit de saisir la gendarmerie ou la police de son ressort de commandement en police administrative pour lui demander de constater la commission d’une infraction, même si, cette enquête sera ouverte sous le contrôle du parquet.
Ainsi, un acte pris dans le cadre de la police administrative peut déboucher ou entraîner la compétence de la police judiciaire.
Par exemple, en matière de terrorisme en France, lorsque des attentats sont commis, les préfets ou le ministre de l’intérieur ont le droit de
Poser les actes de police administrative en demandant aux forces de sécurité d’intervenir, d’arrêter les auteurs.
Mais après cette intervention en matière de police administrative, le parquet de Paris compétent en matière de terrorisme sur le plan national, prend le relais et le contrôle des opérations d’enquêtes.
Les preuves, les auteurs des attentats sont dès cet instant remis au parquet.
Le couac dans la procédure de l’affaire Martinez ZOGO, est cette indication contenue dans le communiqué du Secrétaire Général à la présidence de la République, selon laquelle la gendarmerie et la police devront faire un rapport de leurs constatations au président de la République.
Si le président de la République a valablement agi dès le départ dans ses missions de police administrative, il n’a pas à recevoir des rapports des officiers de police judiciaire qui mènent et diligentent désormais les enquêtes.
Cette transmission pourrait être vue comme une violation du secret d’instruction.
Sauf si le président de la République agit comme le prolongement du ministre de la défense, celui de la défense étant son délégué.
En cette qualité, il pourra recevoir des rapports sur les procédures dites signalées conformément à l’article 11(2) du code de justice militaire :
” Pour les affaires signalées, le commissaire du gouvernement est tenu d’en référer au ministre chargé de la justice militaire”.
Étant néanmoins rappelé que même en cas de la violation du secret de l’enquête, la procédure n’est pas annulée.
Au demeurant, contrairement à ce qui est entendu ça et là, le président de la République n’a pas le droit d’instruire et de coordonner les enquêtes pénales, de par sa qualité de supérieur hiérarchique du ministre de la justice, membre du gouvernement.
Primo, le ministre de la justice, n’agit pas dans la procédure pénale en tant que membre du gouvernement.
Deusio, il détient ses pouvoirs d’instruire les procureurs généraux de déclencher l’action publique de la loi, à savoir celle portant code de procédure pénale.
C’est ce qu’on appelle en droit la compétence liée.
Par exemple, bien qu’étant supérieurs hiérarchiques du Sous- préfet, le préfet, encore moins le président de la République n’ont pas compétence pour signer un récépissé de déclaration de manifestation publique.
C’est loi de 1990 qui a donné cette compétence exclusive aux Sous- préfets. Ils en sont les seuls détenteurs.
Aussi, même en qualité de président du conseil supérieur de la magistrature, le président de la République n’a aucune compétence pour déclencher l’action publique.
Ses pouvoirs en tant que président du Conseil supérieur de la magistrature sont précisés et limités à la présider ses séances et à accorder les remises de peine et les grâces aux prisonniers.
Conclusion sur ce point, le président de la République en ordonnant une enquête administrative aura agi dans le cadre de la police administrative à la suite d’un trouble à l’ordre public.
Par la suite, le dossier a été transmis à l’autorité judiciaire.
Le commissaire du gouvernement s’étant saisi de l’enquête, ce débat sur la nature de l’enquête est désormais clos.
2- QUELLE AUTORITÉ JURIDICTIONNELLE EST COMPÉTENTE POUR MENER LES ENQUÊTES DANS L’AFFAIRE MARTINEZ ZOGO ?
Au moment de la découverte du corps de Martinez ZOGO,il revenait au procureur de la République d’ouvrir une enquête préliminaire. Parce que la nature militaire de certains suspects n’était pas encore révélée.
C’est bien après, que des informations concordantes ont fait état d’une participation de militaires en service à la DGRE.
Ainsi, conformément à l’article 8 de la loi n. 2017-12 du 12 juillet 2017 portant code de justice militaire, le tribunal militaire est SEUL compétent à connaître de l’affaire Martinez ZOGO, sauf si le Cameroun a finalement décidé d’ appliquer les traités internationaux ayant force supra constitutionnelle qui interdisent de juger les civils devant les juridictions militaires , même en présence de complices ou coauteurs militaires.
ARTICLE 8(e) du Code de Justice militaire :
“Le tribunal militaire est SEUL COMPÉTENT pour connaître :
(e) des infractions de toutes natures commises par des militaires, avec ou sans coauteurs ou complices civils dans l’exercice de leurs fonctions”
Du fait de cette compétence de la juridiction militaire, les enquêtes sont diligentées par les officiers de police judiciaire sous la coordination du commissaire du gouvernement :
Article 12 du code de justice militaire :
” Dans le cadre des procédures concernant les infractions visées à l’article 8 de la présente loi, l’enquête de police est diligentée sous le contrôle et la direction du commissaire du gouvernement”
3- FALLAIT- IL DES MANDATS POUR FOUILLER LES DOMICILES DES SUSPECTS ET PERQUISITIONNER L’IMMEUBLE EKANG ?
La particularité des procédures avec le code de justice militaire est que les officiers de police judiciaire peuvent procéder aux perquisitions, visites domiciliaires sans aucun mandat. Mais sur un simple mention écrite du commissaire du gouvernement.
Article 12(b) du Code de justice militaire :
“Les officiers de police judiciaire ne peuvent procéder à des visites domiciliaires, perquisitions ou saisies que conformément aux règles du code de procédure pénale.
Toutefois en cas d’urgence ou de risque de suppression de preuves matérielles de l’infraction, ceux-ci peuvent procéder à tout moment à des visites domiciliaires, perquisitions, et saisies sur ordre du commissaire du gouvernement laissant trace écrite”